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Meschacébé, serpent d'eau douce

Un film de Géraldine Laurendeau et Jonathan Mayers © 2020

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Premier d'une série de courts poèmes vidéos sur le thème des paysages louisianais, Meschacébé, serpent d'eau douce est un poème documentaire qui traite du Mississippi et de ses dynamiques naturelles, révélant la relation que les humains entretiennent avec ce grand fleuve depuis plusieurs siècles.

 

Les images sont issues de la documentation visuelle cumulée au cours d'un séjour en résidence à A Studio in the Woods à l'hiver 2019.

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Meschacébé, serpent d'eau douce

 

Meschacébé

toi le torrent fou, serpent d'eau douce,

à qui l'on a forcé de se contraindre,

malgré tous les efforts des hommes à t'endiguer,

à élever tes bourrelets de sédiments,

à déployer toutes les stratégies d'ingénierie possibles...

 Malgré le creusage de bayous et le draggage

des particules minuscules et grasses de tes bas-fonds,

tu continues d'ériger ton trop-plein

pour démontrer ta force avec rébellion et révolte.

 

Ton fardeau déposé ci et là depuis des millions d'années

s'effondre asteure, ou déborde au loin dans le Golfe,

déplaçant avec lui des tonnes de liquide brumeux mais doux,

les argiles et les silts des résidus glaciaires.

 

Tu es le seuil de tolérance de la nature envers l'humain.

L'impossibilité de te vaincre est à l'image de l'entêtement des plus obstiné,

l'aveuglement de l'avancement technologique

d'une nouvelle religion technocratique.

 

Mais alors toi qui, du Nord au Sud,

mélanges tes eaux cristallines à la pierre, au sable et à la boue,

qu'auras-tu laissé dans ton delta alors qu'on te vide incessamment de ta matière,

celle qui a construit des côtes, des plateaux marins,

des basses terres et des plaines fertiles?

 

Où iras-tu te jeter?

Dans ce golfe qui t'englouti au loin?

Près des tuyaux d'huile à raffiner,

ramené par la force des ouragans sur terre

ou sur ces îles barrières qui bordent le littoral?

Ton langage est indicible mais non inopérant,

sauf que l'interprète a le dos tourné

Et il regarde vers lui-même...

 

Mieschacébé, torrent fou, le grand incompris,

tu auras pourtant fait couler autant d'encre que d'eau,

sanctifié l'amour et élevé la haine et la mésentente entre les humains,

eux qui ont voulu déterminer ton avenir.

 

Tu restes pourtant aussi libre qu'avant

et ta puissance continue de croître

en coulant sur ces levées de béton lisse

au fur et à mesure que le niveau de la mer monte

et que les glaciers fondent.

 

Malgré toutes les tactiques

déployées par les hommes pour te contraindre, Meschacébé,

Tu resteras le torrent fou que tu as toujours été.

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Ce projet a été réalisé grâce au support du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des Arts et des Lettres du Québec et de A Studio in the Woods

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